Carlos Toh Zwakhala Idibouo porte en lui un amour et une passion démesurés pour l’Art dans toute sa forme. Le natif de la ville de Toumodi a un parcours atypique. Professeur de Français et d’Espagnol, il est également co-fondateur d’Arc-en-ciel Plus, première organisation LGBT+ en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui critique d’art, Carlos Idibouo souhaite vivre pleinement sa passion et espères apporter sa pierre de l’édifice a la promotion de l’art en terre d’Eburnie. Dans une interview accordée à la rédaction d’africanartists.ci il a ouvert son cœur et nous a partagé sa vision humaniste de l’art et du monde.

African Artists : Qui est Carlos Idibouo ?

Carlos Idibouo : Je suis Carlos Toh Zwakhala Idibouo. Je suis né le 12 décembre 1973 à Toumodi, la ville où j’ai fait l’école maternelle. En 1994, j’obtiens le BAC série A2 au lycée mixte de Yamoussoukro. En 1995, j’entame mes études universitaires à Bouaké en Lettres modernes et Langues que je termine à l’université de Cocody. Ensuite, j’entre à l’École normale supérieure, je sors en tant que professeur de français et d’Espagnol. Après quelques années dans l’enseignement, je me lance dans le développement de mouvements sociaux et l’humanitaire. Il en résulte la création de la première association LGBT+ enregistrée en Côte d’Ivoire dont je serai président de 2003 à 2006. En août 2006, je pars au Canada où j’étudie pour une maîtrise en psychologie sociale et communautaire. Mes premiers pas dans les arts se font depuis mon enfance. Déjà à l’âge de 8 ans, je m’émerveillais devant des œuvres d’art que je découvrais çà et là. J’étais convaincu que je me lancerais dans la mode. Mais à cet âge, on ne peut pas décider pour soi-même.

African Artists : pourquoi êtes-vous venu à l’Art, quelles sont vos influences, vos sources de motivations, vos inspirations…

Carlos Idibouo : je ne suis pas venu à l’Art. L’Art m’a interpellé et je me suis laissé emporter par cet appel à la fois anodin, mais qui prenait place au plus profond de moi. Je ne pouvais l’expliquer. C’était un fait qui me rendait heureux dans la solitude de mon enfance. C’était mon compagnon secret qui m’apportait le réconfort dont j’avais besoin. Malheureusement, j’ai perdu tout ce que je collectionnais, ainsi que mon journal intime où j’écrivais de petits poèmes inspirés de mes conversations secrètes avec l’Art.

Je voulais être artiste et y associer de l’activisme. Dans mon monde d’enfant différent des autres, les injustices sociales me troublaient. Je voulais contribuer à l’acceptation des différences par le biais de l’Art. De pays en pays et de voyage en voyage, j’ai été très influencé par les œuvres de Picasso et de Van Ghog. Lorsque j’ai découvert les créations architecturales de Gaoúdi à Barcelone, mon sang avait fait un tour dans mon cerveau ! L’émerveillement fut à son paroxysme.

African Artists : quelle est votre technique favorite sinon celle que vous préférez et pourquoi ? Expliquez votre vision…

Carlos Idibouo : je dirais presque toutes les techniques pourvu que je trouve l’œuvre d’une beauté qui sort de l’ordinaire. De l’acrylique à la gouache en passant par le recyclage, le vernis…pourvu que l’accent soit mis sur des couleurs éclatantes parce que j’adore les couleurs. Ma vision est vraiment de toucher à tout ! L’écriture, la mode, la peinture, l’architecture, le cinéma… La conviction profonde que j’ai du lien entre la spiritualité et l’art ne me limite en rien. J’aime la créativité et c’est ce que je veux découvrir chaque fois que je vais soit dans un musée ou à un vernissage. C’est ce que je souhaiterais découvrir que ce soit dans un livre ou sur une toile, ou à travers une sculpture. Quand je serai spirituellement prêt à peindre, c’est de tout ça que je tirerais mon inspiration. Je ne veux pas me limiter parce que mon âme a énormément à exprimer.

African Artists : quels sont vos objectifs, vos projets à court et long terme pour votre carrière?

Carlos Idibouo : à court terme, je me suis lancé dans l’apprentissage. J’ai beaucoup à apprendre et à écrire et créer. C’est la raison pour laquelle je ne minimise pas l’énorme travail que certains artistes ont abattu pendant toutes ces années pour garder aux arts et aux cultures la place qu’ils méritent. J’apprends. Mais le talent naturel que j’ai de faire de l’analyse d’une quelconque œuvre est la raison fondamentale pour laquelle la Critique d’Art m’intéresse beaucoup. Ensuite, je voudrais professionnaliser ma passion pour les arts et cultures.


À long terme, je voudrais faire des arts et cultures une carrière. C’est ce qui bouclera mon passage sur terre si j’ai une longue vie. Je ne me vois pas faire autre chose. Cela se traduira par le coaching des jeunes, la mobilisation de ressources financières pour appuyer des initiatives, la création d’un centre multidisciplinaire et le sponsoring de projets grassroot pour valoriser les cultures et les traditions ivoiriennes.

African Artists : quel est le regard que vous portez sur le niveau de l’art en Côte d’Ivoire et celui des artistes-peintres ivoiriens?

Carlos Idibouo : j’ai un regard très positif rempli d’espoir. Quand je compare mon époque à celle de maintenant, l’Art en Côte d’Ivoire a vraiment pris son envol et a réussi à se positionner parmi les plus regardés tant en Afrique qu’à l’échelle internationale. Mais il reste beaucoup à faire en interne. Il nous faut travailler encore très fort pour en faire une véritable industrie. Beaucoup d’artistes ne parviennent pas à vivre de leur art. Cela me fait de la peine !
Heureusement que nous avons une ministre de la Culture qui travaille d’arrache-pied. Elle travaille vraiment très fort et nous voyons les résultats. C’est sans commentaires. Mais le ministère de la Culture à lui seul ne peut pas répondre aux grands défis flagrants auxquels sont confrontés ces jeunes qui sont la relève. Il faut motiver davantage les entreprises privées, les institutions et aux secteurs à s’impliquer davantage. Car les arts et cultures sont ce qui, dont vie à un pays.

African Artists : comment voyez-vous le monde de l’art en Côte d’Ivoire dans 5 voire 10 ans?

Carlos Idibouo : dans 5 ou 10 ans, l’Art aura atteint aura eu son blason entièrement redoré ! Ce qui veut dire qu’il faudrait redoubler d’efforts pour y parvenir. Quand par exemple la culture de l’achat d’œuvres d’art aura pris une place importante chez les Ivoiriens et ivoiriennes, quand une organisation comme African Artistes ne serait pas en train de courir çà et là pour organiser un événement, quand les galeries ne tireront plus le diable par la queue, quand il y aurait une politique de déconstruction du propos que tiennent les parents en termes de ” tu vas devenir quoi avec ton affaire de dessin”, alors dans 5 ou 10 ans l’art aurait atteint sa vitesse de croisière.

African Artists : votre mot de fin

Carlos Idibouo : je termine en exprimant une profonde reconnaissance à l’égard de toutes ces personnes qui ont œuvré à développer les arts et cultures en Côte d’Ivoire. Sans elles, peut-être que la passion que j’ai se serait éteinte. Je suis revenu trouver l’Art en pleine fin de puberté et qui n’a pas peur d’exprimer sa vie d’adulte. Ce qui veut dire qu’il est confronté à des défis plus élevés. Car une victoire appelle d’autres défis. Je fais un clin d’œil à Mme Françoise Remarck et à toute son équipe. Enfin, une grosse accolade à Olivier Pépé et son équipe de nous faire aimer l’Art. Je vous remercie !

C. Boli